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vacarme / le train (extraits) /2   accueil ã  propos vous abonner commander librairies index accueil » index » vacarme 30 » cahier » le train (extraits) /2 vacarme 30 / cahier rã©cit le train (extraits) /2 par emmanuelle gallienne car prãªte ã  se redresser un jour terrible, une intendante perfide garde la maison, la colã¨re qui n’oublie pas et veut venger une enfant. le couloir qui s’empourprait me parut en flammes, la journã©e s’achevait. ã‰taient-ce les contours liquides que mes larmes donnaient aux brã¨ves prairies entre les arbres, je vis des miroitements, le couchant s’y ã©parpillait, lorsque le vent la couche parfois l’herbe brille ainsi, pensai-je, mais non, je voyais des flaques, bordã©s d’ajoncs ce furent des ã©tangs, le paysage changeait, les pieds dans l’eau ã  prã©sent la forãªt ruisselait. des troncs renversã©s s’arquaient comme des ponts au-dessus du marais, les remous entraã®naient les racines, jaillissant du marã©cage des branches ã©cartaient leurs griffes au-dessus de l’eau, noire quand n’y ã©tincelait pas comme une lame le dernier soleil. ...pleine de vie saumã¢tre, remplie de trombes d’eau et des triples vagues qui submergent les ã¢mes... j’essuyai mes yeux brã»lants, j’essayai de suivre les formes changeantes de la forãªt troublã©e aux prises avec le feu et l’eau, domaine noirci d’ombres irisã© soudain de fontaines, les arbres glissant lentement dans la tourbe d’oã¹ naissaient des fougã¨res gã©antes. 〠notre allure je ne distinguais qu’un chaos. cataclysmes, mã©tamorphoses, les rayons obliques parfois heurtaient l’å“il et le paysage s’ã©vanouissait. l’eau devenait glauque, branches tendues les arbres y baignaient par brassã©es leurs feuillages, lã  oã¹ leurs extrã©mitã©s se sã©paraient le ciel renversã© ouvrait comme un puits clair. c’est de cet å“il cã©leste au milieu des ã©tangs que je vis se hisser tãªte la premiã¨re un grand fauve. je le perdis aussitã¸t, il ressurgit gueule ouverte plus loin du centre de la prochaine flaque de ciel entre les branchages. lentement la meute se composa, sombre et serrã©e, la terre gorgã©e d’eau jaillissant de leurs griffes les dã©robait ã  ma vue. je ne reconnus pas ces animaux, ã  l’ã©vidence des prã©dateurs rassemblã©s pour une course cruelle, ceux-lã  mãªmes qui avaient mis en fuite les biches effrayã©es. peu ã  peu il me sembla que leur galop se doublait, une foulã©e se mãªlait ã  la leur au travers des trombes de boue soulevã©es, d’une autre espã¨ce, aux quadruples pattes s’ajoutait la course double de jambes nues, claires et comme prises dans une gangue de terre. une clameur se fit dans le couloir. le soleil venait de chuter derriã¨re le faã®te des arbres les plus bas, nous ã©tions brusquement plongã©s dans l’ombre. ma scã¨ne de chasse qui se dã©roulait sur la trame confuse maintenant des troncs privã©s de clartã© ã©tait devenue indistincte. 〠peine devinait-on le rythme rã©gulier d’une course puissante. une lune encore pã¢le s’ã©lanã§a dans le ciel que la dispa-rition du soleil laissait teintã© de jaune et de rose. son apparition fut saluã©e par une nouvelle clameur, qui s’acheva en un soupir. dans le bruit de la machine j’entendais le halã¨tement de la meute presque invisible. les animaux ne formaient plus qu’une masse noire unie moutonnante dont le flot ã©tait interrompu ã§ã  et lã  par une silhouette haute et pã¢le — je distinguai des jambes, un buste penchã© en avant, hã©rissã© d’un carquois. pourquoi ces grandes figures m’apparurent-elles fã©minines ? 〠mesure que dans le ciel la clartã© du jour s’ã©teignait la splendeur de la lune se rã©vã©la, blanche et pleine, plus tard elle serait ceinte d’un halo repoussant les tã©nã¨bres. c’est son ã©clat que je voyais par fragments luire sur les corps mãªlã©s ã  la meute — sur le jet d’un muscle, une ã©chine ou un sein bref. la lueur tombant soudain sur des crocs m’ã©pouvanta. je tremblais de tous mes membres, les biches pourtant avaient disparu, je crus que c’ã©tait nous qui ã©tions pris en chasse, puis me raisonnai : les fauves et leurs archers fantastiques galopaient ã  l’inverse du train. la lune gravissait rapidement le ciel, une ou deux ã©toiles avaient paru. — voyez, c’est la nuit ! cria quelqu’un. depuis quelque temps l’agitation du couloir avait cã©dã© la place ã  un calme ã©trange. il me sembla que la nuit ã©tait tombã©e trã¨s vite, comme une nuit tropicale, nous roulons au milieu de la terre, pensai-je, pourtant les montagnes et les forãªts du jour, paysage d’hespã©rides, dã©mentaient cette idã©e folle. en vã©ritã© ma confusion ã  cette heure ã©tait grande, j’ã©tais assaillie de peurs diverses et imprã©cises. un fin rã©seau d’ã©toiles s’ã©tait allumã©. cette assemblã©e sans nom ne me serait d’aucun secours. *** l’existence athlã©tique ã  laquelle j’aspirais sans cesse m’aurait-elle dã©finitivement guã©rie de mes maux ? le croyais-je ? les disciplines aã©riennes auxquelles je me serais ardemment pliã©e auraient formã© mon corps et partant bien sã»r mon ã¢me que notre position assise ã  la longue usait, rendait minuscule. les divers travaux que j’accomplissais parfois n’ã©taient pas les mieux choisis, il me fallait le reconnaã®tre, pour dã©lier mes membres appesantis, les dã©faire de leur ennuyeuse torpeur. si au lieu de rendre des services j’avais pratiquã© la danse ! j’aurais eu un amant amoureux de mes petits pieds cambrã©s, de mes chevilles, qui aurait flattã© mes mollets durs, mes cuisses longues, dures elles aussi comme de l’airain, qui aurait aimã© toute la vigueur mobile de mes jambes, des fuseaux s’entrouvrant et se fermant, quittant la terre ã  volontã©, battant ã  petits coups sa poitrine et le renversant, et qu’il lui aurait fallu maintenir de toute ses forces pour les immobiliser et leur faire suivre sa volontã©. mon amant aurait dã» se battre avec moi pour m’ã©treindre si j’avais ã©tã© danseuse, et c’est cela qu’il aurait aimã©, de mãªme que mes poses, oh la grã¢ce de mes mouvements, mes bras offerts renversã©s au-dessus de ma tãªte. en riant je lui aurais prãªtã© volontiers des parties brã¨ves de mon corps. oui, telle eã»t ã©tã© mon insouciance. au lieu de cela j’avais des gestes embarrassã©s quand un voyageur me fixait avec une louche insistance tandis que je passais la serpilliã¨re dans un compartiment. parfois je m’asseyais et nous avions une conversation vaine, sans que je quitte des yeux l’eau noire et savonneuse du seau. mais ce n’ã©tait pas pour l’amour que j’aspirais ã  une existence athlã©tique. un jour pourtant je tombai amoureuse d’une trã¨s belle femme aux bras blancs, qui avait dansã© toute sa vie avant d’ãªtre recluse dans son compartiment ã  cause d’une mauvaise chute. je rãªvais chaque nuit qu’elle m’embrassait et caressait ã  n’en plus finir un corps (le mien) qui ã©tait celui d’une jeune ã©toile. lorsque j’allais faire le mã©nage chez elle je trã©buchais, renversais mes ustensiles et me cognais ã  tous les coins. je faisais des efforts surhumains pour attã©nuer le tremblement qui me secouait des pieds ã  la tãªte lorsqu’elle me parlait en me regardant de ses yeux doux et moqueurs, qui semblaient en clignant se fendre comme ceux des chats. jamais je ne me sentis aussi maladroite et souillon que lors de ces moments passã©s avec elle. je l’accompagnais parfois faire quelques pas dans le couloir, elle boitait avec une allure folle, appuyã©e dã©licatement sur mon bras, une grã¢ce divine. elle n’avait pas renoncã© ã  porter ses chaussures de tango, dont la boucle rehaussait son coup de pied saillant, la finesse de ses chevilles. je ne devrais plus porter de talon, ã§a m’est dã©conseillã©, disait-elle, mais quoi ! je ne vais pas sortir en pantoufles n’est-ce pas, et elle guettait un acquiescement de pure forme, avec les yeux interrogateurs d’une enfant ã  qui tout le monde obã©it sans cesse. certains jours une jeune femme petite ã©tait lã  pour masser sa jambe invalide, elle bavardait tout le temps que durait le soin, avec un dã©bit rapide que l’effort rendait haletant, une voix de tãªte qui m’agaã§ait, je chantonnais trã¨s bas entre mes dents pour ne pas l’entendre. beatrix tacle semblait prendre un certain plaisir aux propos vains de la masseuse, hochant la tãªte et laissant fuser quelques ã©clats de rire de temps en temps. 〠mon avis son intã©rãªt ã©tait feint, elle ã©tait distraite, comme ã  l’accoutumã©e plongã©e dans un vaste flot de pensã©es au cours ininterrompu, aux remous ã©tranges et profonds que nul n’aurait pu sonder. parfois elle se berã§ait d’un murmure inaudible, souvent elle pianotait de sa main gracieuse sur la petite tablette pliante qui jouxtait le divan oã¹ elle se reposait le plus clair de son temps, sa tãªte oscillant ã  peine au rythme de ses doigts. de mes observations soutenues j’avais conclu qu’elle songeait ã  des ballets passã©s, qu’elle travaillait mentalement et redansait dans leurs menus dã©tails. sur les petites ã©tagã¨res s’empilaient des disques qu’elle n’ã©coutait jamais. beatrix tacle ã©tait donc bien loin de se rendre compte de mon dã©sir pour elle. j’arrangeais son chã¢le aux fils d’or derriã¨re ses ã©paules et en couvrais ses beaux bras en soupirant. ses yeux pã©tillaient lorsqu’elle s’arrachait ã  ses songeries. « mais comment vivons-nous ? » me demandait-elle en montrant d’un geste circulaire le dã©cor exigu qui nous entourait, plus petit sans doute que la plupart des loges de thã©ã¢tre qu’elle avait connues. c’ã©tait alors comme un voile qu’elle ã¸tait : notre condition se rã©vã©lait ã  moi dans toute sa misã¨re, et tout ce dont jour aprã¨s jour je ne me rendais mãªme plus compte soudain me devenait intolã©rable. je ressentais avec ã©pouvante une cruautã© qui s’exerã§ait ã  notre encontre, quelque chose de terrible et d’effrayant, qui clouait sans appel sur un ã©troit divan une danseuse ã©toile, une dã©esse aux jambes brisã©es. publié dans vacarme 30 hiver 2005 » consulter le sommaire » commander feuilleton de vacarme le train le train (extraits) /1emmanuelle gallienne le train (extraits) /2emmanuelle gallienne le train (extraits) / 4emmanuelle gallienne le train (extraits) /5emmanuelle gallienne actuellement en librairies » consulter le sommaire » s'abonner » commander » acheter en librairie à propos contact creative commons  
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